Burkina Faso : Exactions des groupes terroristes, Ils violent les femmes à mort

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Avant la tuerie des 31 femmes d’Arbinda (nord du Burkina), le 24 décembre 2019, les hommes armés non identifiés (HANI) avaient   jusque-là épargné la vie des femmes et des jeunes filles. Mais depuis, celles-ci deviennent de plus en plus leurs cibles. Pendant que les unes sont emmenées et mariées de force, et utilisées comme des objets sexuels, les autres sont battues, séquestrées et violées sur place, parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive.  Celles appréciées très laides reçoivent dans leurs parties intimes, le canon de leurs armes à feu, des objets contondants et même des couteaux. Témoignages de quelques rescapées de l’enfer des HANI, encore appelés « hommes de la brousse », rencontrées entre septembre et octobre 2020 à Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord, à 100 kilomètres de Ouagadougou. 

Dans la matinée du dimanche 12 mai 2019, l’église paroissiale   de la commune de Dablo, à 84 kilomètres de Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord, a été la cible d’une attaque d’un groupe d’hommes armés.  Le drame s’est produit pendant la messe aux environs vers 9h00. Six personnes ont perdu la vie, dont le jeune prêtre, père Siméon Yampa, âgé de 34 ans. Les assaillants, une vingtaine, ont fait irruption et incendié l’église, des boutiques et des débits de boissons.  Au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de la ville, le véhicule de l’infirmier-chef de poste a aussi subi le courroux de ces hommes. Cette attaque macabre a entraîné un déplacement massif de la population vers d’autres localités dont Barsalogho et Kaya. Mais les terroristes ont pris en chasse quelques rescapées, dont M. S.

1- A 42 ans, A.B a été violée alors qu’elle était enceinte de sept mois du bébé qu’elle porte au dos

Traqué plusieurs fois après l’attaque, il a fini par quitter Dablo pour Kaya. Sa moto et son bétail ont même été emportés. Après sa cavale, il était toujours « wanted » à Dablo. Dans sa course pour la survie, il finira par rendre l’âme au mois de septembre 2020 à Kaya, nous apprend l’une de ses filles, A.S, que nous avons rencontrée le 4 octobre 2020 dans cette ville.

A 35 ans et mère de sept enfants, A. S a payé cher la fuite de son paternel, en juillet 2020. Partie à Kelbo, à 11 Kilomètres de son village avec six autres femmes à la recherche de fagots de bois, elle va croiser le chemin de quatre hommes armés, tous enturbannés.  Les femmes tentent de fuir en vain. L’un d’eux pointe son arme sur A.S et la palpe pour lui prendre son téléphone portable.  N’ayant rien trouvé sur elle, il lui demanda où se trouvait son appareil.  Et lorsqu’elle a répondu qu’elle n’en possédait pas, son agresseur lui réplique : « C’est faux.  Tu ne peux pas venir de la cour d’une telle personne et ne pas disposer d’un portable ». Parlant ainsi du père de la dame. « Où est ton père ? », insiste l’homme en arme avant de menacer : « On le cherchait   pour le tuer, mais c’est seulement   sa moto   qu’on a emportée. A défaut de lui, on va se venger sur toi ».

Battue à la place de son père

S’ensuivent alors des bastonnades, dont les traces sont toujours visibles sur son corps. « Mon bras droit s’est fracturé. Il m’a aussi griffé le menton avec les ongles, il a déchiré mon pagne et attaché mes mains avec », précise- t- elle, entre deux silences qui laissent toujours transparaître sa hantise. C’était sous le regard complice de trois autres acolytes, qui ont trouvé place sous un arbre.  « Il a laissé les autres femmes partir et il a cogné mon visage avec le bout de son arme. Ensuite, avec son bâton, il m’a frappée aux pieds et à la tête », poursuit A.S. 

Voyant leur compagnon déterminé à ôter la vie de la femme, les trois hommes réagissent enfin. « Tu veux la tuer ou quoi ?  Laisse-la et viens on va partir », se rappelle-t-elle encore confuse. Son bourreau obéit et rejoint son groupe. Les quatre hommes partent, laissant A.S dans un bain de sang. Celui qui la violentait lui lance : « Lève-toi et rentre chez toi. Je ne veux pas coucher avec toi. Je voulais seulement te tuer ».

La victime perdit connaissance, avant que des passants la conduisent au CSPS de Dablo à bord d’une charrette.  Après deux jours dans ce centre, elle a poursuivi ses soins à Barsalogho, Kaya puis à Ouagadougou.  Au service ophtalmologique du Centre hospitalier universitaire Yalgado- Ouédraogo (CHU-YO), elle a passé huit jours en hospitalisation. « Actuellement, je vais mieux et j’arrive à voir un peu. Au début, je ne voyais rien du tout », confie-t-elle avant d‘ajouter que c’est ainsi que les hommes de la brousse (appellation donnée aux terroristes) traitent les femmes à Dablo.

Des femmes enceintes battues et violées

A.S n’est pas la seule femme victime d’agression de la part des hommes armés à Dablo et dans bien d’autres contrées du Burkina en proie aux attaques terroristes, depuis avril 2015.  L’une des coépouses de A.S, qui vit actuellement à Kaya, a été elle aussi battue. « Elle avait un bébé au dos, donc, ils l’ont frappée uniquement au niveau des épaules », relate A. S.

Même les femmes enceintes ne sont pas épargnées par les HANI. L’une d’elles, presque à terme, a été battue au niveau du ventre et du bassin.  Aujourd’hui, son nourrisson, un garçon de 4 mois, porte les séquelles de cette agression. « Son enfant est né avec une fracture au bras gauche. Une partie de sa tête s’est affaissée du même côté », raconte une compagne de A.S, une autre femme déplacée interne de Dablo.

Si leur vie est épargnée, elles sont nombreuses, ces femmes et filles qui, en plus des bastonnades, sont quotidiennement séquestrées, ligotées   et violées à sang et certaines à mort.  Le 3 octobre 2020, dans les environs de la mairie de Kaya, S.O, une autre femme déplacée interne, venue aussi de Dablo, il y a 15 mois, évoque   le cas de deux femmes violées dans son village. Enlevées devant leurs concessions pendant qu’elles ramassaient du bois et séquestrées plus tard, les deux victimes ont été retrouvées dans la brousse, trois jours après, dans de piteux états. La première, Habibou, mère de sept enfants, est toujours en soins. Quant à Aminata, 36 ans et mère de cinq enfants, elle serait également toujours à Nagréongo pour des soins chez le célèbre guérisseur Seydou de ladite localité.

S.O poursuit son récit : « Ma propre petite sœur de 18 ans a été aussi violée. Après le viol, ses agresseurs ont déchiré son sexe. Elle va aussi mieux et elle est retournée au village », explique- t- elle en larmes.  Trois femmes secouent de la tête, en soutenant ensemble : « Ils (les HANI) nous fatiguent tous les jours comme ça dans la brousse. Et c’est triste ».

Même enceintes et des nourrissons dans les bras, des femmes du Centre-Nord ont subi le même sort à Bawenné, Bintiou, Dou, Dak, Konkin, Lado, Yelkodo, Bini, Rofi Perko, Rabakouda…  Dans ce lot, Zénabou Sawadogo, 28 ans et mère de quatre enfants, a été violée alors qu’elle portait la grossesse de son quatrième enfant.  Selon les dires de S.0, la victime a tout de même pu donner naissance au bébé qui a aujourd’hui sept mois. Après un séjour d’à peine un mois à Ouagadougou pour des soins, Zénabou est retournée à Dablo.

Son homonyme de 33 ans a connu le même destin, à Bintiou. Le 29 octobre 2020 à Kaya, elle nous a raconté comment à plus de 8 mois de grossesse, elle a été violée au lendemain de l’assassinat de son mari. « Après le drame, je suis repartie avec mes quatre coépouses pour prendre nos effets. J’ai trouvé un groupe d’hommes armés   chez nous à la maison. L’un deux m’ont croisée à la porte et il m’a traînée de force dans la broussaille et m’a violée », avoue- t- elle, dans la matinée du 29 octobre 2020, tout en berçant son nourrisson, de 12 mois.  Après le viol, dame Zénabou a souffert des douleurs pelviennes. Elle a pu aussi accoucher   le surlendemain à domicile, à Dablo.

Zénabou Sawadogo (à gauche) et Fati Ouédraogo. La première a été violée alors qu’elle était enceinte de 8 mois et la seconde l’a été alors qu’elle portait son nourrisson de deux mois

 

A 42 ans et mère de onze enfants, Adji Badini de la même localité a été aussi violée, il y a neuf mois. C’était au 7e mois de la grossesse de son dernier- né.   Son agression a eu lieu trois jours après l’attaque de son village, Bintiou, à une dizaine de kilomètres de Dablo.  Elle était repartie avec un groupe de femmes pour chercher leurs effets. « J’ai croisé six hommes armés et l’un d’eux m’a violée.  J’étais enceinte de sept mois », confie- t- elle, le 28 novembre 2020. Sa chance, poursuit-elle, lorsque les cinq autres s’apprêtaient à rejoindre son agresseur pour la violer à leur tour, ils ont aperçu un groupe de jeunes femmes.  Vient-on va partir chez les autres et laisse cette vieille femme – là », ont-ils demandé à leur collègue, selon les dires de la victime.

Des avortements, des décès, des bébés sans pères

Fati Ouédraogo, 33 ans, a également subi le supplice des HANI. Elle a été violée alors qu’elle avait son bébé de 2 mois dans les bras. Ce jour-là, raconte-t-elle, son mari a aussi été tué. « Après avoir tué mon mari, ils sont partis me laissant avec deux éléments.  L’un deux ont dit de m’emmener avec eux, et l’autre a voulu qu’on me viole », relate Fati, le 29 octobre. Finalement, elle a été trainée dans la broussaille et violée par les deux hommes, non loin de la dépouille de son mari et sous le regard de ses enfants.

La voix tremblotante, elle révèle le cas de la fille de sa tante, et d’une autre femme qui ont toutes succombé quelque temps après leur viol. « Elles étaient enceintes et après les avoir violées, ils ont enfoncé des piles dans leur vagin », relate Fati, en sanglots.  Malgré les soins, elles ont fini par rendre l’âme à leur retour à Dablo, à l’entendre.

Après ces cas malheureux, certaines femmes enceintes qui ont survécu après leur viol, ont perdu leur grossesse.  Sont de celles-là, Rasmata Maiga, la quarantaine, mère de cinq enfants. Il ya sept mois de cela, elle a été violée à Déou, dans la commune d’Arbinda, région du Sahel, des jours après l’assassinat de son époux. « Il a tellement mis du temps, et cela a provoqué des vomissements », explique-t-elle. Complètement affaiblie, elle ne retrouvera ses esprits que 3 heures plus tard. Au cours de la même semaine, elle perdra sa grossesse, et prendra immédiatement la fuite pour Kaya.  Jusqu’à notre rencontre, la victime ressentait toujours des   douleurs pelviennes et n’avait toujours pas revu ses menstrues.

« Ils ont d’abord introduit leur bois dans son vagin. Constatant qu’elle ne saigne pas, ils ont récidivé, cette fois, à l’aide d’un couteau qu’ils remuaient et le sang a coulé. C’était horrible »

Quant à Fatimata Bakongo, que nous avons rencontrée le 30 octobre 2020, elle explique avoir été violée en mars deux individus armés alors qu’elle portait une grossesse de trois mois. « Nous étions en groupe, et je n’ai pas réussi à m’enfuir comme les autres femmes, parce que je portais une grossesse de trois mois, avec mon enfant de 15 mois au dos », explique- t- elle, en montrant sa fille de 2 ans dans ses bras. Son époux, Idrissa Bamogo qui   est resté à ses côtés durant ces douloureux moments, est toujours sous le choc.  « Lorsque j’ai eu l’information, je suis parti à sa recherche, en compagnie des FDS. Nous l’avons conduite au centre de santé où elle a bénéficié des soins. C’est trop dur à supporter et à oublier », indique- t-il.  Aujourd’hui, il tente péniblement de surmonter cette double épreuve.

La liste des victimes des viols est longue. Mais les atrocités subies diffèrent d’une personne à l’autre.  Fanta (nom d’emprunt) est une jeune fille de 17 ans et fiancée à un jeune de son village, aux encablures de Dablo. En ce début d’année, son fiancé avait même entamé des démarches pour la célébration de leur mariage. Mais vu la situation d’insécurité, son futur beau-père lui aurait dit de patienter. C’est dans l’attente de cette union que Fanta va passer les pires moments de sa vie, il y a environ six mois de cela.

Ce 4 octobre 2020, M.S., une femme déplacée à Kaya, explique son histoire : « La famille de Fanta a reçu des étrangères. Le lendemain, l’une d’elle a demandé à Fanta de l’accompagner en brousse pour ramasser du bois parce qu’elle ne voulait   pas y aller seule. Au départ, Fanta ne voulait pas s’y rendre.  Mais devant l’insistance de son hôte, elle a fini par accepter en emmenant une petite fille ».

Selon les propos de M.S., une fois dans les champs, l’étrangère et la petite ont aperçu un groupe d’hommes armés. Elles ont fui sans faire signe à Fanta. Encerclée, elle a tenté en vain de s’échapper. Et le pire est arrivé. Paniquée, elle s’est mise à crier tout en les suppliant de l’épargner. Pour étouffer ses cris, ses agresseurs ont déchiré ses vêtements qu’ils ont utilisés pour   bander ses yeux, attacher sa bouche et ses mains. « Ils ont d’abord introduit leur bois dans son vagin. Constatant qu’elle ne saigne pas, ils ont récidivé, cette fois, à l’aide d’un couteau qu’ils remuaient et le sang a coulé. C’était horrible », crie notre interlocutrice. « Si tu étais belle, on allait utiliser nos sexes. C’est parce que tu es vilaine qu’on te traite comme ça », balançaient les agresseurs à leur victime, selon les témoignages, pour justifier leur barbarie.

« Une femme ne peut pas aller en brousse deux jours de suite sans être battue ou violée »

Et c’est après l’avoir torturée, qu’ils lui ont demandé d’où elle venait. Lorsqu’elle s’est présentée, l’un d’entre eux qui connaissait ses parents a regretté en ces termes : « Si tu nous avais dit que tu étais de cette famille, on n’allait pas te faire ça ». Et la victime de répliquer : « Est- ce que vous m’avez laissée parler ? Lorsque je vous ai supplié, vous m’avez attaché la bouche. Comment pourrais-je encore parler ? A présent, je préfère mourir ».

Apparemment touchés par ces paroles, ses agresseurs l’ont transportée et laissée dans les environs du village, toute nue. Elle a été conduite au centre de santé du village. « J’étais au centre de santé pour une consultation avec mon enfant, lorsque des femmes de sa cour l’ont emmenée dans un bain de sang en charrette », précise M.S. Elle ajoute que beaucoup de personnes qui étaient là ce jour se demandent si Fanta allait survivre. Avec le soutien des FDS, Fanta a été transférée à Barsalogho, puis à Ouagadougou où elle a bénéficié de soins appropriés.

Le maire de   la commune de Dablo, Ousmane Zango, joint au téléphone dans la nuit du 11 novembre 2020, atteste l’ampleur des agressions sexuelles. « Courant mai- juin 2020, nous avons fait évacuer sept femmes   à Kaya, dont une très grave.  Séquestrée pendant deux jours, elle a été retrouvée dans le coma », soutient- t-il.  Il évoque également le cas d’une autre jeune fille de Kelbo. Séquestrée pendant trois jours, elle a été violée par 13 hommes armés, qui passaient sur elle l’un après l’autre toutes les deux heures. « C’est lorsqu’ils se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient plus la pénétrer, que ces hommes l’ont libérée », déplore le bourgmestre.

Toute révoltée, face à ces pratiques, une responsable d’association féminine du Centre -Nord relève que les cas d’agressions physiques et sexuelles des femmes sont plus nombreux qu’on peut l’imaginer.   Il y a beaucoup de victimes parmi les témoins. « Elles sont aussi violées, mais la plupart préfèrent citer les cas des autres », soutient-elle.  Pour Adji Badini, la majeure partie des femmes sont agressées physiquement et sexuellement. « Une femme ne peut pas aller en brousse deux jours de suite sans être battue ou violée », convainc Adji qui, en plus du viol, a été battue à deux reprises.

A son tour, le maire de Barsalogho (commune située à 45 kilomètres de Kaya), Abdoulaye Pafadnam, soutient qu’il s’agit le plus souvent de viols collectifs car les éléments armés se déplacent toujours en groupe.  Ce qui, selon, lui expliquerait la gravité des blessures.

Pour cette année 2020, le Centre hospitalier régional (CHR) de Kaya a reçu cinq victimes, dont des cas graves. « Elles arrivent dans un état psychologique lamentable.  Il y a eu de graves lésions vaginales qui ont nécessité des sutures », explique le gynécologue- obstétricien et chef de service de la maternité du CHR, Dr Honoré Tingéri. « Nous avons déjà reçu une victime avec une grossesse de plusieurs mois », déplore Dr Tingéri.

Des chiffres qui ne reflètent pas l’ampleur du phénomène, car la plupart des victimes restent silencieuses dans les zones sous contrôle des groupes armés.

L’Est du Burkina, l’une des régions les plus touchées, des femmes également à la recherche d’eau, de bois, dans les champs, tombent nez à nez sur des terroristes. Elles sont séquestrées et violées à la file indienne. Rencontré à Ouagadougou, le 9 octobre 2020, le maire de la commune de Fada N’Gourma, Jean-Claude Louari, explique que   reparties dans les villages environnants pour emporter quelques effets, cinq femmes d’une même famille, dont une mère et ses deux filles   ont été séquestrées de 9h00 à 19h et violées à la chaîne par 30 hommes armés.  Il ajoute que des dizaines de cas de viols ont été également enregistrés avec des cas de grossesses. « Nous n’avons pas évalué le nombre de grossesses, mais nous avons entamé une approche dans ce sens », confie le maire.

Même réalité dans le Sahel, l’autre région la plus touchée.  Le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) a aussi eu vent des cas de viols dans le village de Bouro, commune de Nassoumbo, province du Soum. C’était le 11 septembre 2020. « Ce jour-là, les hommes armés ont agressé physiquement les femmes qui ne portaient pas le voile en les intimant de s’exécuter. Ils ont violé trois d’entre elles, une dame de 23 ans et deux filles de 14 et 17 ans », confirme le secrétaire général du MBDHP, Aly Sanou, le 9 novembre 2020, à Ouagadougou.  

Pour sa part, une présidente d’association communautaire intervenant au Sahel, convainc    le 10 octobre 2020 à Ouagadougou, qu’à Gorom- Gorom dans la province de l’Oudalan, beaucoup de femmes sont aussi enlevées et violées dans le silence.  Elle connaît cinq cas qui ont été orientés vers une ONG exerçant dans le domaine des Violences basées sur le genre (VBG).  « Il y a déjà beaucoup de grossesses, mais les parents de peur d’être stigmatisés disent que leurs filles sont mariées », révèle- t- elle.

Un drame silencieux

En l’absence des directeurs régionaux de l’Action sociale et de la Santé du Centre-Nord, à nos passages les 26 et 30 octobre 2020 dans leurs services, nous n’avons pas eu d’interlocuteurs, pour se prononcer sur l’ampleur du phénomène. Mais, bien avant, dans un communiqué daté du 16 novembre 2019, l’armée burkinabè a annoncé la libération de plusieurs femmes des mains des terroristes dans le Nord du pays, à Yorsala (département de Titao). Celles-ci étaient retenues par les terroristes et utilisées comme esclaves sexuelles. Cette opération, bien que salutaire, est restée silencieuse quant au nombre et au   traitement infligé aux femmes.  Une sortie médiatique de l’armée qui conforte l’ampleur du phénomène.  Le hic est qu’à l’exception de celles qui sont toujours en soins, la plupart de ces victimes sont retournées auprès des leurs et sont de nouveau à la merci de leurs bourreaux. Les plus malheureuses succombent dans la douleur et en silence.

Le maire de Barsalogho, Abdoulaye Pafadnam, craint surtout pour les Maladies sexuellement transmissibles (MST) : « Il n’y a pas de doute, avec ces viols collectifs, les taux du VIH /SIDA et des MST   vont grimper ». Et pour éviter le pire, des campagnes de sensibilisation sur le SIDA, les MST et bien d’autres pathologies liées à l’hygiène sont déjà menées dans sa commune. Lors des échanges, les initiateurs invitent les victimes à se rendre le plus tôt possible aux services de santé afin de bénéficier d’une prise en charge adéquate.  Au CHR de Kaya, les victimes de viols bénéficient systématiquement d’un traitement préventif pour éviter les hépatites virales, le VIH/SIDA, les Infections sexuellement transmissibles (IST) et aussi les grossesses. Pour ce faire, dit-il, des agents de santé ont bénéficié de formations pour la prise en charge des victimes des Violences basées sur le genre (VNG) de la part de l’OMS. Des kits sont disponibles   à cet effet.

« Son époux qui ignore si l’enfant est le sien les a abandonnés »

 Triple peine

En plus des maladies, les victimes risquent la stigmatisation et la répudiation.  L’édile de Fada N’Gourma   déclare que les viols demeurent toujours un sujet tabou et sont perçus comme une honte sous nos cieux.

« Ce ne sont pas des choses que l’on peut crier sur tous les toits. « C’est très difficile, car une fois l’histoire connue, les victimes, en plus de l’absence d’une prise en charge adéquate, sont stigmatisées et mêmes abandonnées », prévient-il.  A Dablo, une jeune femme qui a accouché neuf mois après son viol a déjà été abandonnée. « Elle a accouché il y a deux mois. Son époux qui ignore si l’enfant est le sien les a abandonnés », raconte S.S, l’une de ses connaissances du village.  Lassané Pafadnam a dû      aussi quitter Dablo pour Kaya, après le viol de sa femme, Sibidou Korgo, 26 ans et mère de cinq enfants, séquestrée et violée toute une journée, dans un village de Dablo. « Il fallait que je parte.  Ma famille a vécu un drame. C’était trop dur pour moi de rester là-bas », insiste – t- il, mais, sans mentionner le viol de Sibidou, sa 2e épouse. Selon Adji Badini, la femme a eu la vie sauve grâce à la bravoure de sa belle- mère.  Partie à sa recherche, elle a été alertée par les supplications de sa belle- fille, retenue dans une maisonnette. « Aidez- moi.  J’ai soif. Aidez- moi avec de l’eau », pouvait-elle entendre. Même les coups de feu de l’agresseur n’ont pas freiné la vieille femme. Lorsque celui-ci la voyait avancer, il est parié à sa rencontre, et   la jeune femme a profité   s’échapper.  Le maire de la commune de Dablo, Ousmane Zango confirme que dans sa commune plusieurs femmes ont été déjà répudiées par suite du viol qu’elles ont subi. Or pour son collègue de Barsalogho, Abdoulaye Pafadnam, ces victimes ont besoin d’être accompagnées. « C’est votre amour qui va l’aider à surmonter cet obstacle.  Quant aux femmes, il faut qu’elles aient le courage d’en parler pour bénéficier des soins appropriés », lance-t-il à leurs familles et à la population burkinabè. Toutes choses selon lui, qui nécessitent la mise en place d’un dispositif national afin de prévenir la victimisation secondaire de ces femmes, triplement   victimes du terrorisme.

 

 

Par Mariam OUÉDRAOGO

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